Recueillements
À un feu d’hiver
Recueillements constitue un récit intimiste dont « l’intrigue » se dévoile au fur et à mesure, à la manière d’un roman. Un roman philosophique. Chaque texte apporte une réflexion particulière autour d’un dilemme opposant désir et réalité.
Amour d’un côté, conscience de soi de l’autre. Dans certains cas, aimer peut-il n’être qu’un rêve ? Une illusion due à un besoin fondamental d’être aimé ? En sait-on suffisamment sur soi avant d’oser dire « je t’aime » ? L’ère contemporaine a ouvert la voie d’une forme de contact aseptisé : le tchat. Virtuel ? Pas tant que ça si l’on garde à l’esprit que les interlocuteurs, bien que protégés par un écran, demeurent des êtres de chair et d’esprit. D’émotions.
Car s’ils se sentent à l’abri de l’autre, ils ne le sont hélas pas d’eux-mêmes. Une rencontre par Internet peut ne manquer ni de son ni d’image, mais elle n’aura jamais autre texture matérielle que le support informatique dont elle dépend. Aussi, leur imagination intervient-elle à grands renforts pour combler le vide qui les sépare.
Les sentiments ressentis n’en sont pas moins authentiques. Ils manquent cependant de substance jusqu’à la rencontre. Si rencontre il y a. L’individu moderne semble plus que jamais replié sur lui-même, ce type d’interactions tend à le confirmer. Et, aussi paradoxal que cela puisse paraître, il est donc parfois seul face à l’amour, même partagé.
Ce recueil vous propose de suivre l’évolution d’un amour séparé de son objet essentiel, l’autre, à partir du moment où le doute s’est installé suscitant un questionnement fondamental ayant pour mission de cibler certaines priorités. Qu’ai-je recherché ? Et l’ai-je trouvé ?
Pilleur de tombes
À trop m’aimer espérais-tu te désaimer ?
Dénude-toi et je serai devant ta porte
À t’écouter, te caresser, te désirer.
Ces masques que tu crains sont-ils ceux que tu portes ?
Pourquoi vouloir glisser dans mes tombeaux puants
Si les tiens sont déjà plus béants que l’ennui ?
Baladons-nous en âmes sœurs au bord des nuits,
Ouvre-moi ton cadavre et le mien sera blanc.
À trop parler, je me demande à qui je pense,
Ce que je veux, ce qu’elle attend, ce que je donne.
Quel autre toi sculpte l’envie qui me frissonne ?
Si tu aimes souffrir, je décline la danse.
Prêter sans retrouver est triste trahison,
Mais tendre sans se plaindre est sage prétention.
Aussi, je te prête ma confiance en passion,
Mais je te tends ces vers en espoir de raison.
Nuée d’étaux
L’orchestre est avancé pour acculer mon aube,
Il hurle à contre vent les diables de l’opprobre
Et tourbillonne avide en un millier de robes.
Leurs tissus de poussière étouffent mes prières
Par l’écho prénatal où s’effrite leur gouffre
Au centre d’un tumulte entre murs gaufriers.
J’éternue au milieu d’un clair apothicaire,
Malade de toux voile aux vagues du cratère.
Le bruit m’a naufragé à l’odeur des tourbières.
C’est comme un air lyrique aux accords partagés
Qui se mesure au corps de l’être encouragé :
L’effort enamouré se prépare au carnage.