Sourire à la dérive

Voici venir les mots qui hachent, sans crier gare.
Lexique fatal, tu me condamnes à trop de morts
Et tu me laisses l’esprit errant au bord du souffle.
Je me reprends, tu me cravaches à coup d’remords.
Et j’adore ça ! Dis-moi pourquoi j’aime tant m’ouvrir…
Jusqu’à frôler l’hémorragie spirituelle.
Cracheuse de mots, mes vers se fâchent, ils fusent vers toi !
À l’abordage ! Phrase contre phrase, bouche contre bouche.
Vois ton empire, Muse des césures, il se dévoile
Quand mon sourire, lui, se détache, m’arrache le cœur,
Le catapulte, sanguinolent, vampirisé !
Vois ton empire, Muse des césures, en ligne de mire.

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Cœur de bière

Moi qui suis si terre à terre,
J’ai pourtant la sensation
Que se rêve l’émotion
Dans un double fond de verre.

Sous l’esprit de ce charbon
S’infuse mon cœur de bière,
Brassé comme un goût d’hier
Pour les vertus du houblon.

Se diffuse en moi l’amer
D’un phénix en ma potion
Dont les griffes se resserrent,

Et qui me donne l’aplomb,
Sans nul charme de sorcière
De brûler sans consomption.

J.C. 3 mars 2009

Deuil de Sphinge

Je cauchemarde à cette idée
Qu’au bout de moi le vide espionne
Au quart de tour, pour me piéger.

Je rêverais que tu me guettes
À mon retour, griffue lionne,
Tant que s’accule en moi la bête.

Je songe à toi la nuit venue :
Deuil de Sphinge qui me questionne,
La prime peur dont l’oeil se tue.

Je dors pourquoi ? J’attends la mort
Comme un cerveau qui se rationne,
Une illusion devant la mort.

Réveille-toi, maudit humain !
C’est l’avenir qui t’auditionne,
Et toi tu fuis les lendemains ?

Pense à ton coeur, il te fait vivre
Et non souffrir ; il se passionne
Pour un éther où l’âme est ivre.

Deviens toi-même au prix coûtant,
La liberté, tu l’ambitionnes,
Dérobe à point le fruit du temps.

J.C. 26 février 2009

Mots restés

Le vide est inspiré
Par ce que l’on veut tuer de soi,

Souvenirs souffreteux
Et autres vérités du terroir.

Il faut, pour s’accomplir,
Agir au devant des non cachés.

Parler est être lent,
Nier, se réduire aux mots restés.

J.C. 10 mars 2009

Optimisme philosophique

Candide est mort, il demande l’aurore
Au pied du château fort.
 
Et si la belle attend son heure
Dans la frayeur de son appel,
 
Il lui pardonne autant que son cœur donne.
Mais son esprit raisonne :
 
L’amour s’estompe où point la peur,
Ce sont deux sœurs qui ne se trompent.
 
Qu’en dit Voltaire au cru de sa Lumière ?
Il est plus terre-à-terre :
 
L’amour est art de perfection
Sans affection que pour son dard !
 
Suis-je frustré de n’être point lustré ?
Cela semble illustré.
 
Se décharger rompt la tension,
Mais l’attention peut soulager.
 
J. C.
1er janvier 2009

Et tu seras libre

Tristesse, amie fidèle,
Je t’ai trop bien chérie ;
Pourtant, tu es si laide…
Et tu voudrais partir ?
Mais je te sais captive :
Enchaînée à nos vies,
À nos joies brûlées vives.
Embrase-moi plus vite !

Détournement

Sa morsure est le sourire de la beauté,
Et les femmes ont de sacrées bonnes dents, quand j’y pense !
Comme si le serpent de leur cruauté se croquait la queue…
À tel point que je me demande si ce n’est pas le serpent qui s’est donné la mort en mordant Cléopâtre.

Auteur d’un soir

C’est aux confins de l’aigreur
Que s’efforce de penser votre auteur

Il geint de tout son cœur
Fendu comme le ciel aux couleurs de l’orage

Il gronde l’enfant dans son sommeil
Qui ne veut jamais se taire

Étouffe sa vie dans un battement de colère
Et s’apitoie loin de lui-même

Près de toi

Toi le lecteur avide
Qui ne comprends rien à ses déboires

Ou qui les confonds avec les tiens
Par paresse empathique

Pourquoi fait-il cela ?

Parce qu’il ne craint pas ta critique
Il la provoque

Sur son domaine, il ne craint pas l’échec
Il sait que tu t’en délectes

Point-virgule

Acte I – Scène 2

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Elle sert son bras comme un corset
Sur sa timide identité
Où se déploient ses nudités ;
Force est d’en constater l’accès.
Je m’y faufile dépossédé,
Feignant cette absurde surdité
Qui vers elle déjà me balance ;
Je me blottis dans son silence.

Autour, l’amour est si léger
Que seuls les battements de nos cœurs
Nous ancrent à la réalité…
Vite ! De l’eau, pour calmer l’ardeur !

© Erika Corin (modèle), Arnaud Feron (photo) & Jules Cybèle (texte)

L’ivre raison

Acte I – Scène 11482360_10153610799300381_1876805532_o.jpg

C’est un rêve,
Je vais me rendormir…
Crève-toi et crache,
Ta menace ne m’impressionne pas !
Ma plume n’est pas un jeu d’enfant,
Et si je l’arme
Elle te tuera sans mal,
Sans raison.

Épargne-nous
Tes modèles désincarnés ;
Délivre-toi d’eux
Et livre-moi ton plus bel art d’œil !

© Arnaud Feron (photo) & Jules Cybèle (texte)