Auteur : Didier Guiserix (né en 1956) – Journaliste, dessinateur, auteur de jeux. Rédacteur en chef de Casus Belli entre 1983 et 1999.
Éditeur : Bornemann (Paris).
Titre : Le livre des jeux de rôle.
Dépôt légal : novembre 1997.
Pages : 144 p.
Chapitres : 1. Qu’est-ce que le jeu de rôle ? (p. 9-50) – 2. Le jeu de rôle, un phénomène de jeu de société (51-72) – 3. Une pratique intelligente du jeu de rôle (73-94) – 4. Le coin du spécialiste (95-109) suivi d’une conclusion, d’un dictionnaire des livres de jeu de rôle (112-136), d’un glossaire et de statistiques.

Dossier Définir le JdR article n°1 : 1986 : l’ouvrage pionnier (Gildas Sagot).
Article n°2 : 1997 : criminologie du jeu de rôle (Jean-Hugues Matelly).
L’ouvrage de D. Guiserix sort la même année que celui de J.-H. Matelly. Et pour cause, à cette époque, le jeu de rôle a sérieusement besoin de redorer son image auprès de l’opinion publique, enfumée par des média sensationnalistes. C’est la tâche que semblent s’être donnée ces deux auteurs, eux-mêmes rôlistes. Mais si leurs intensions me paraissent converger, leurs démarches restent différentes et complémentaires. Comme nous l’avons vu, Matelly opte pour une analyse criminologique, démontrant que le jeu de rôle est une pratique saine, non criminogène. Guiserix va, selon sa propre expertise journalistique, dresser un portrait contemporain du jeu de rôle en tant qu’activité de loisir.
Ainsi qu’il est dès lors présenté traditionnellement, le jeu de rôle est vu ici comme (je synthétise en tentant de rester au plus proche de la pensée et de la terminologie de Didier Guiserix) un jeu de coopération dialogal, sous forme d’aventure scénarisée, où interragissent plusieurs joueurs tenant chacun un rôle, dont un particulier, assimilé à un metteur en scène, pose les bases de la narration et en arbitre l’évolution, notamment au moyen de règles, mais incarne aussi le reste de l’univers. On pourrait croire à l’ébauche d’une définition concrète, mais ne vous y trompez pas, c’est bien moi qui synthétise. Guiserix, quant à lui, éparpille çà et là des morceaux de définition, dont chacun approche l’essentiel du bout des doigts mais diluent l’explication dans des éléments exemplatifs qui, finalement, nous éloignent d’une définition efficace. Voici une sélection de ces morceaux, par ordre de citation :
- « Il s’agit, pour les joueurs, par personnages interposés, de vivre une aventure, de se confronter à un scénario interactif proposé par le meneur de jeu (p. 14). »
- «…il s’agit d’un jeu de coopération où les joueurs gagnent ou perdent ensemble, et où certains gagnent un peu plus que d’autres, car ils ont glané dans la partie quelques avantages individuels qu’ils peuvent réutiliser dans les parties suivantes (p. 17). »
- « Le jeu de rôle est donc un jeu de société : il se joue autour d’une table, il a un début et une fin, il suit des règles publiées (p. 18). »
- « Si l’on schématise à l’extrême, un jeu de rôle est une alternance de labyrinthes logiques, de devinettes, de choix tactiques et de paris sur le résultat des dés (p. 22). »
Cet aspect « décomposé » d’une potentielle défintion reflète la manière segmentée dont nous est présentée la théorie, chaque aspect du jeu de rôle ayant sa section dédiée : c’est quoi le background, c’est quoi les règles, l’aventure, les actions, les jets de dés (à eux seuls, ces derniers occupent les pages 99 à 102, chapitre 4), etc. Et pour cause, là où l’approche de Sagot se voulait plus commerciale et celle de Matelly plus sociologique, la théorie amenée par Guiserix est exclusivement ludologique. L’auteur cite d’ailleurs des « ludologues » comme Jean-Marie Lhôte – « le jeu de rôle est tout autant un jeu qu’une nouvelle approche du récit (p. 60) » – et s’inscrit lui-même dans cette grille de lecture, en titrant un chapitre 4 réservé aux « spécialistes » : Comment marchent les règles : l’oeil du ludologue (p. 97).
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Reprenons donc depuis le début, et décortiquons cette nouvelle approche ludologique, point par point.
Fidèle à l’idée selon laquelle le jeu de rôle est difficile à expliquer, Guiserix va s’efforcer d’en présenter les différents aspects, notamment au moyen d’exemples mais aussi de bandes-dessinées en noir et blanc. Ces illustrations, de son propre cru, amènent un véritable dynamisme à l’ouvrage et participent au développement théorique en montrant comment se comportent les joueurs autour de la table, de quoi ils parlent, etc. Ce qui nous renseigne sur l’approche ludologique de Guiserix. Ce dernier met à contribution sa visualisation du jeu, sans laquelle il craint sans doute d’être mal compris, convaincu qu’assister à une partie de jeu de rôle facilite l’explication qu’on pourrait en donner. Et encore faut-il se donner la peine de scruter longuement, car « très contrariant est le jeu de rôle ! Un premier coup d’oeil sur une table de jeu ne suffit pas à saisir ce qui se passe (p. 55) ». Le mieux pour comprendre, nous avoue-t-il, ce serait encore d’y jouer : « Il est facile de saisir l’intérêt du jeu en y jouant, beaucoup plus difficile en se le faisant expliquer (p. 56) ».
Dans la partie liminaire (p. 10) du chapitre 1, Qu’est-ce que le jeu de rôle ?, Guiserix annonce quelques statistiques : « près d’un million de Français ont joué au moins une fois à un jeu de rôle ». Pourtant, ajoute-t-il, « pour une majorité de gens, le jeu de rôle reste mystérieux, quand ce n’est pas inquiétant ». Inquiétant, certes, en raison du climat médiatique défavorable à cette époque. Outre cela, à quoi le mystère est-il dû ? Selon lui, cela pourrait venir du caractère pluriel du jeu de rôle : car il emprunte aux principes et mécanismes d’autres jeux aussi bien qu’à ceux du roman ou du cinéma. Ce qui rendrait « ce jeu apparemment ardu » guère cohérent aux yeux de certains. Alors comment s’y prendre pour le présenter de manière intelligible ? Je vous le donne en mille : comme l’avaient fait Sagot et Matelly avant lui. En premier lieu, Guiserix compare avec le cinéma et le théâtre. Il dira aussi plus loin que « chaque action ponctuelle ressemble à la scène d’un film (p. 22) » ou encore que « Le jeu de rôle trouve bien sa place entre la lecture d’un livre ou la vision d’une fiction télé (p. 55). »
Le chapitre 1 commence ensuite (p. 11) avec une introduction historique, préhistorique même, plaisante-t-il. Pour lui, les composantes stratégique et militaire, combinées à l’inspiration du Seigneur des Anneaux et à un contexte d’après-guerre, fondent les bases du jeu de rôle.
Dans la section suivante, Le jeu de rôle en bref (p. 14-17), il distingue trois aspects : le jeu de rôle en tant que principe, en tant que publication et en tant qu’activité. Trois aspects qui d’ailleurs s’interpénètrent. Lorsqu’il aborde la question des principes, il ne peut s’empêcher d’écrire : « Un groupe de joueurs décide de jouer ensemble. Ils choisissent un jeu de rôle du commerce dont le thème convient à tous… ». Cette phrase montre que pour être défini, le principe (du jeu de rôle) requiert qu’on parle de son objet (du commerce) et de l’activité qui en résulte (des joueurs jouent). Au fond, peut-être ne savait-il lui pas lui-même par où démarrer son analyse, persuadé que « même le joueur confirmé ne sait pas toujours par quel bout commencer (p. 10) » ? Dès lors, quand le sujet nous semble apparaître de facto comme un mystère pour tous, il finit par en devenir un pour nous-même. Toujours est-il que, pour faire comprendre le principe du jeu de rôle, le ludologue va décrire méthodiquement chaque étape du processus qui fait que, à son époque, un groupe d’individus décide d’entreprendre une ou plusieurs parties de jeu de rôle.
Cette section, donc, (p. 14-17) fourmille d’informations d’apparence anodines. Mais, en vérité, elles sont les témoins d’une époque où le jeu de rôle n’était pas nécessairement régi par les mêmes principes qu’aujourd’hui.
Par exemple :
– Il est sous-entendu que le groupe s’accorde sur le choix d’un jeu et l’achète peut-être même ensemble, voire s’en procure plusieurs exemplaires.
– La marchandise est décrite comme étant, en général, composée « d’un ou de plusieurs livrets réunis dans une boîte (p. 14) ».
– Disposer d’un « quota de points à répartir entre ses talents (p. 15) » est présenté comme une constante ; le terme talent étant utilisé pour désigner l’ensemble des capacités du personnage.
Peut-être l’auteur extrapole-t-il des généralités, omettant volontairement les exceptions dans une optique de vulgarisation ? Mais cela n’apparaît pas clairement. Pour ma part, j’ai commencé le jeu de rôle en 1997, l’année de parution de ce livre. Je ne me souviens pas qu’on ait décidé ensemble d’acheter la boîte rouge du Seigneur des Anneaux, c’était l’initiative du MJ. Et bien sûr, âgés de 15 à 16 ans, nous n’étions pas assez fortunés pour acheter chacun la sienne (mais j’ai pu observer cette tendance avec un groupe ultérieur qui jouait à Warhammer et D&D, mais je n’avais toujours pas assez d’argent pour les imiter). Enfin, pour le coup, il s’agissait bien d’une boîte et de livrets, c’est-à-dire d’ouvrages à couverture souple, à reliure de colle ou d’agrafes. Alors qu’aujourd’hui, la couverture rigide et la reliure (ou fausse reliure) sont une norme, tandis que la boîte est revenue à la mode. Surtout, semble-t-il, suite à l’engouement pour les kits d’intiation.
En préambule de la section suivante, Le jeu de rôle vu de plus près, l’auteur confie d’emblée (en référence à la section qui précède) que « Cet énoncé synthétique de tout ce qui fait le jeu de rôle amène autant de lumière que de zones d’ombre et de questions (p. 18) ». En conséquence de quoi, il reprend l’analyse « plus en profondeur » en mêlant l’approche théorique à des exemples de partie. Et l’auteur de conclure ses préliminaires par une évidence qu’il aurait pu partager en amont : « Le jeu de rôle est donc un jeu de société (p. 18) ». Qui plus est, pourquoi rédiger sciemment une entrée en matière dont on avoue soi-même qu’elle amène autant de lumière que de zones d’ombre ? Pourquoi ne pas avoir anticipé et dissipé cette ambivalence ? Bref, il semble que quelques pages de plus lui fussent nécessaires pour y arriver. À travers celles-ci (p. 18-39), nous apprendrons à distinguer le scénario de l’aventure et du background, à appréhender la complexité des règles, à comparer différents styles de jeu et enfin, à dresser un portrait psychosocial du rôliste.
Pour clore cet approfondissement, l’auteur passe en revue (p. 40-50) les autres sortes de jeux de rôle corrélés, comme le GN ou le RPG vidéo, et tâchent de les distinguer du jeu de rôle sur table, clarification de bon aloi.
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On pourrait penser qu’à ce stade, le concept est maintenant bien défini. Mais il n’en est rien, et l’auteur de poursuivre sa réflexion dans un deuxième chapitre intitulé Le jeu de rôle, un phénomène de société, où il va tenter d’exposer en quoi le jeu de rôle constitue un nouveau medium et quelles réactions il suscite auprès du public. Dans cette partie un peu moins claire, Guiserix, toujours perclus dans l’idée qu’il nous présente quelque chose de « mystérieux » et difficile à concevoir, persiste et signe* : « N’ayant pas forcément réfléchi avec le recul nécessaire à leur passion, les rôlistes [quand il s’agit d’expliquer leur propre loisir (NdA)] ne savent pas par quel bout commencer leurs explications, et mêlent confusément les thèmes, les règles des jeux qu’ils préfèrent, et le plaisir du jeu en général (p. 56) ». On sera de mauvaise foi de le contredire platement, quand la passion parle, il est vrai que les mots peuvent s’emmêler. Mais je trouve légitime cette question : pourquoi en faire une obsession ? Il va jusqu’à « reconnaître un certain courage à celui qui cherche à comprendre, car plusieurs obstacles peuvent le décourager (p. 56) ».
*Dans un entretien de février 2010 mené par l’auteur de jdr Grégory Molle (soit 13 ans après la parution du livre), Guiserix demeure fidèle à son idée : « Mais expliquer le jeu de rôle, c’est pas facile, le plus simple, c’est encore de faire jouer les gens. On en était déjà conscient à l’époque (p. 57) »
Ces soi-disant obstacles étant (p. 56) :
– Le caractère brouillon des explications des rôlistes (cf. la citation précédente).
– La difficulté d’expliquer une activité qui serait plus explicte en étant regardée (on sent le serpent argumentaire se mordre la queue).
– L’incompréhension d’une certaine génération ne maîtrisant pas les codes de la fantasy, car « nourrie de Club des Cinq, de Maigret ou d’Arsène Lupin (p. 56) ».
– Le manque de cohérence apparant, du fait de la pluralité des principes et mécanismes du jeu de rôle [NdA : j’ajoute à la liste cet élément de la p. 10].
Il me semble qu’aujourd’hui, l’ignorance des codes de ce qu’on englobe dans ce package marketing fumeux qu’est la culture geek pose un handicap encore plus grand pour cette même génération. Oui mais. Certes, quand j’ai commencé à jouer, mes parents ignoraient tout du Seigneur des Anneaux ou de Conan le Barbare, mais ils connaissaient bien Alxandre Dumas, Bob Morane et Star Trek. Les codes de la littérature pulp et du cinéma de science-fiction ou de capes et d’épées ont ainsi pu se substituer à ceux de la fantasy pour ce qu’il s’agissait de comprendre les principes du jeu de rôle. Bien sûr, à l’heure où j’écris ces lignes, j’ai l’âge qu’avait Guiserix à l’époque où il écrivait son bouquin. La comparaison est donc un peu risquée. Mais mes parents, vu leur âge, pourraient être mes grands-parents ! Alors ça équilibre un peu, d’ailleurs mon père a la collection complète des Maigret. Soit, je ne vois pas en quoi ne pas connaître la fantasy empêche de saisir les mécanismes du jeu de rôle, même si commercialement parlant, il y avait (et a probablement encore) une surreprésentation de ce genre. Ce que je veux dire, c’est que la capacité d’un individu, quelle que soit sa génération, à saisir les mécanismes et principes du jeu de rôle, sans y avoir ni joué ni assisté, ne peut être réductible à son degré de maîtrise de la fantasy…
Si les trois auteurs des livres sur le jeu de rôle analysés jsuqu’à maintenant s’accordent sur le fait qu’il s’agit d’un sujet difficile à définir, Guiserix est le premier à décortiquer le pourquoi du comment de cette difficulté. Mais, à mon humble avis, il n’a que partiellement raison.
– En effet, comment convaincre qu’un sujet est trop complexe à expliquer, simplement parce qu’il serait plus facile de le comprendre en l’observant plutôt qu’en entendant des explications ? On a ici affaire à une forme de tautologie : c’est compliqué parce que c’est plus simple autrement.
– En quoi ne pas maîtriser les codes d’un genre littéraire empêche de se figurer parfaitement les mécaniques de fonctionnement d’une activité qui, d’une part, peut fonctionner sans ces codes, et d’autre part, les utilise surtout dans sa composante narrative (l’immersion) et non à travers toutes ses mécaniques ?
– Et surtout, de quel droit prétendre qu’aucun rôliste n’arrive à s’exprimer clairement sur son sujet, sans prendre de recul ? Quelle preuve a-t-on ?
Toutefois, là où il semble marquer un point, c’est qu’à ce stade de mon analyse, aucun théoricien ne le contredit sur le fond : le jeu de rôle, c’est compliqué !
En revanche, l’argument isolé de la p. 10 – qui n’apparaît pas dans la liste des obstacles à la compréhension du jeu de rôle de la p. 56 – me paraît bien plus pertinent pour étayer son propos. La multiplicité des principes et mécanismes issus des patrimoines ludique et littéraire (à la croisée desquels est né le jeu de rôle dans les années 70) engendre très probablement une confusion dans l’explication et la définition de celui-ci. Imaginons une tentative d’explication qui tournerait au cauchemar : « Alors, tu vois, le jeu de rôle c’est comme un film. Enfin… quand tu te souviens de ta partie, mais pendant que tu joues, c’est plutôt comme une pièce de théâtre. Et c’est aussi un peu comme un jeu de plateau, sauf que tu joues pas forcément sur un plateau. Mais tu lances des dés, comme dans un livre dont vous êtes le héros, sauf que tu peux faire les choix que tu veux ! Enfin, si le MJ est d’accord… Tu sais, le MJ ? C’est comme un arbitre, un peu comme au football… » Vous avez tout compris ? Là, Guiserix tient quelque chose, la complexité architecturale du jeu de rôle, elle, est bien réelle. Et c’est sans doute la cause principale des difficultés que peuvent éprouver les plus avertis dans l’exercice périlleux que constitue sa définition. En effet, comment expliquer le concept du chien-loup sans parler d’abord du chien et du loup séparément ? Sauf qu’ici, on aurait affaire à un chien-loup-loutre-licorne, véritable ornithorynque du monde littéraire pondant des jeux.
« Le jeu de rôle est un cocktail de principes ludiques de natures diverses, dont la finalité est de réaliser une sorte de récit (p. 65) ». Ainsi, comme s’il ne l’avait pas assez répété, comme si le lecteur n’était pas suffisamment convaincu du propos, Guiserix nous le rappelle une ennième fois dans la section Vices et vertus du jeu de rôle (p. 65) du chapitre 2 : le premier vice du jeu de rôle, c’est la compréhension de ses mécanismes !
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L’avenir nous le dira, mais il semble que l’intérêt récent pour l’histoire (et la préhistoire) du jeu de rôle, notamment orienté par des universitaires auteurs de mémoires, thèses et autres ouvrages scientifiques, mette en lumière une série de zones d’ombre qui empêchaient jusqu’à maintenant d’avoir ce recul par rapport à une passion captivante, parfois dévorante. Une lumière intellectuelle qui permettra peut-être un jour de définir avec moins d’appréhension un domaine, une activité, un medium, qui s’adapte jour après jour à son époque, et semble prendre autant de formes que de personnes qui s’y adonnent.
Au moins, ce qu’il y a de pratique avec Guiserix, c’est qu’il tient à être clair, exaustif et imagé. La structure du livre est exemplaire, outre les bandes-dessinées, des photos agrémentent la théorie, les mots-clefs apparaissent en gras, les paragraphes ne sont pas trop longs et certains sont mis en exergue, les chapitres sont subdivisés en sous-sections, des annexes riches proposent un dictionnaire des jeux de rôle publiés, un glossaire et une liste de boutiques. Enfin, le discours est agréable mais précis, des statistiques (sur les ventes et les pratiques) ponctuent le développement. Certes, il n’a pas été le seul à présenter le jeu de rôle sous « tous » ces aspects, J.-H. Matelly développe sa description de manière tout aussi bien structurée et presque aussi exaustive, il approfondit même certains points, comme la classification des jeux, que Guiserix laisse étrangement de côté. Mais, là où les deux livres qui précèdent n’y allouaient qu’un unique chapitre (Sagot, p. 11-62, Matelly, p. 51-96), Le Livre des jeux de rôle de Guiserix s’y consacre de la première à la dernière page. Ce qui permet de l’épingler comme le premier essai ludologique sur le sujet. En ce sens, il tint parfaitement son rôle à la fin des années 90, mais mérite (toutefois moins que l’ouvrage poussiéreux de G. Sagot) d’être remis au goût du jour. Ne serait-ce qu’en tenant compte de la manière dont le public perçoit maintenant le jeu de rôle, loin du marasme médiatique de l’époque, qui devait sans doute ajouter des couches à l’apparente complexité du phénomène.
Une fois n’est pas coutume, je laisse le mot de la fin aux préfaciers, Pascal Reysset et Thierry Depaulis : « Issu de la littérature romanesque, nourri de l’esprit libertaire de la Bande Dessinée, le jeu de rôle est la rencontre d’un « maître de jeu » qui a bâti un univers, et de joueurs qui vont se lancer dans cet univers de fiction. Au jeu de rôle, pas de vainqueur, mais des joueurs qui améliorent de partie en partie leur sens de la déduction, leur force de combat, leur expérience, leur équilibre. Alors, pourquoi les braves gens et les médias se sont-ils acharnés sur le jeu de rôle en certaines circonstances ? C’est probablement que sa complexité, c’est-à-dire sa richesse, l’a rendu mystérieux donc inquiétant. C’est aussi que ce jeu favori des jeunes n’est pas facilement accessible au premier adulte censeur venu (p. 5). »
Les mots-clefs de Didier Guiserix : Complexité – Metteur en scène – Règles – Thème – Choix– Groupe.
Bibliographie : GUISERIX, Didier. Le livre des jeux de rôle. Paris : Bornemann, 1997, 144 p.
Webgraphie : Paroles d’un Grand Ancien : entretiens avec Guiserix.
Propos recueillis par Grégory Molle.
https://www.scenariotheque.org/Document/info_doc.php?id_doc=6379
Consulté le 15/03/2022.