Une jeunesse perdue dans un abattoir d’hommes

 Ephrem INGANJI


Une jeunesse perdue dans un abattoir d’hommes

Rwanda, un voyage dans un pays ensanglanté

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L’innocence peut-elle écrire un roman ? Je suis honteuse de pleurer alors que toi, le plus concerné, tu arrives à te retenir. Oui, si elle a la force de survivre. Nous sommes confrontés à la position stagnante des génocidaires en liberté et au courant négationniste qui soutient leur cause, ou pire, rend leurs crimes légitimes. Même à l’échelle la plus illusoirement banale. Allez, raconte-moi ton histoire…

L’innocence peut-elle questionner l’histoire ? Sans risquer de se mouiller (de larmes), de se souiller. Ce qu’il a vécu n’est pas à raconter dans un café ! L’innocence qui sait n’est plus innocente. J’ai vu la mort sous son plus laid visage, sous forme humaine.

Ephrem a choisi le roman pour nous raconter son histoire. Lui qui traditionnellement en parle dans sa langue, où il est poète. Il l’a divisé en 100 chapitres, en mémoire aux cent jours du génocide.

Et voici mon témoignage : les lire a été comme une descente aux enfers.

Au début, le démon nous présente son récit sous des airs d’insouciance, de légèreté. Et, bien qu’il nous fasse entr’apercevoir l’enfer en prélude, tout est déjà calculé pour que l’innocent lecteur s’attache aux larmes de Sandra, la muse, recueillies au creux des ailes de Cédric, l’ange. Ensuite, l’injonction fatidique est lâchée : raconte-moi ton histoire. Le ton devient sérieux, réflexif. Qu’est-ce qui te fait croire que je te parlerai de moi autant que tu voudras ?

L’innocence du lecteur se brise, car il brûle d’envie de connaître l’histoire. Les flammes de l’enfer l’attirent comme autant de promesses d’un récit palpitant. Après tout, c’est une fiction ! Et quoi de mieux qu’une fiction pour raconter l’indicible ? Alors on se laisse glisser à toute vitesse sans plus pouvoir se rattraper. Car c’est avec machiavélisme que l’auteur, ce démon, attise notre curiosité. Quel fantôme va-t-il invoquer pour mettre en scène l’indicible ? J’aurai tant aimé vous laisser dormir, mais je suis le fruit d’une histoire difficile…

Bien sûr on sait que cela va se terminer, on sait qu’il y aura une fin à cette guerre dépourvue de sens. Mais il faut que les flammes nous ait brûlé bien fort pour avoir envie de se réveiller d’un tel cauchemar, on y est comme prisonnier. Enfermé dans des questions sans réponses : oscillant entre comment ? et pourquoi ? L’horreur absolue ! Ainsi, ce n’est qu’après avoir piétiné les restes inconsistants de notre illusoire innocence que nous réalisons la pérennité du cauchemar. Car celui-ci existera tant qu’anges et démons pourront le raconter. Il n’avait pas peur de la mort, c’est vrai, mais il avait peur de la vie. Et le rêve serait de penser qu’il n’a pas eu lieu.

Enfin, l’histoire se termine (quel dommage) sur une note angélique. Elle portait une bague de fiançailles. Son unique défaut… Après nous avoir intrigué, touché, captivé puis tourmenté, l’auteur déploie ses ailes et s’envole, nous plantant là !

C’est avec un profond respect, Ephrem, mais un réel engouement que Jules Cybèle attend de ta plume diabolique un prochain roman.

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Une réflexion sur « Une jeunesse perdue dans un abattoir d’hommes »

  1. Sois sans crainte J.C., le démon n’est pas prêt à quitter « son » enfer 😉
    A bientôt, dans un nouveau roman…

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